Question au Secrétaire d’Etat Dermine sur la multiplication des satellites et ses impacts
Monsieur le Secrétaire d’Etat,
Nous avions déjà eu l’occasion d’aborder brièvement la thématique de la pollution engendrée par les satellites lors de votre déclaration de politique générale. Starlink, dirigé par Elon Musk a récemment lancé les derniers satellites de son programme en orbite. Au total, 893 satellites sont donc en orbite actuellement. Le but de ce projet est d’offrir un service de connexion internet à haut débit sur l’ensemble de la planète. Il a d’ailleurs annoncé qu’il augmenterait le nombre de satellites pour atteindre 12.000 en 2025 et 42.000 dans les années à venir.
L’entreprise d’Elon Musk (SpaceX) n’est pas la seule a avoir saisi l’opportunité de ce marché de niche. Nous pouvons prévoir un décuplement du nombre de satellites dans ciel dans les années à venir.
En dehors du fait que quelques compagnies dans le monde puissent décider d’occuper discrétionnairement l’espace de cette manière, quelques impacts négatifs sont à dénoncer.
La recherche scientifique et astronomique risque notamment d’être impactée. La circulation de ces satellites, réfléchissant le soleil et étant dès lors très lumineux, apparaissent comme des constellations artificielles et viennent entraver le champ de vision des astrophysiciens les bloquant dès lors dans leurs recherches et le progrès possible. L’Union astronomique internationale a d’ailleurs exprimé son inquiétude à ce propos lors d’un communiqué publié le 12 février 2020.
La réglementation actuelle n’a pas été prévue pour une situation où il existerait des milliers de satellites dans le ciel et autorise dès lors les entreprises qui en font la demande, pourvu qu’elles respectent le peu de règles en vigueur. Il est donc primordial de combler ce vide juridique et de réglementer l’accès et l’utilisation de l’espace afin de préserver la recherche et le progrès astrophysique.
Voici donc mes questions :
Avez-vous déjà établi une stratégie à ce propos en vue notamment des prochains grands rendez-vous de la Belgique en matière de politique spatiale ?
Avez-vous prévu de solliciter nos établissements scientifiques fédéraux sur cette question ?
Merci pour vos réponses,
Réponse du Secrétaire d’Etat Dermine (Commission Economie du 16/12/20) :
Je vous remercie pour votre question qui porte sur un enjeu majeur à moyen et à long terme vu la multiplication des objets d’origine humaine dans l’espace. En particulier, le déploiement des multiples constellations satellitaires en orbite basse ou moyenne est susceptible d’avoir un impact sur les activités d’observation scientifique, mais également sur l’accès d’autres opérateurs à ces orbites basses ou moyennes. À cet égard, il convient de relever le rôle de l’Union internationale des télécommunications (UIT) chargée de la gestion des ressources orbitales. Les États demeurent individuellement à l’origine d’initiatives qui pourraient ou devraient idéalement être prises au niveau international, pour réguler les activités basées sur le déploiement de très larges constellations satellitaires. Les mécanismes de droit international qui visent aujourd’hui à prévenir les influences néfastes entre activités spatiales ne s’appliquent néanmoins pas à l’astronomie terrestre, précisément du fait qu’il s’agit d’une activité spatiale. Il y a là effectivement une incertitude ou un flou juridique actuellement sur cette matière. La communauté scientifique belge n’a à ce stade fait état d’aucune interférence substantielle par rapport à ses activités actuelles, ce qui ne nous prémunit pas contre des risques potentiels d’interférences demain. La politique scientifique fédérale (Belspo) ne dispose aujourd’hui pas d’une vision claire de l’impact du déploiement des constellations satellitaires sur les activités astronomiques belges à moyen terme. Cette problématique est néanmoins prise très au sérieux par la Belgique qui a notamment fait état de ce problème lors de la 59 e session du sous- comité juridique du comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique des Nations Unies. Par ailleurs l’organisation intergouvernementale European Southern Observatory (ESO) dont la Belgique est membre confirme que, selon les informations actuellement disponibles sur les constellations de satellites, les différents observatoires pour lesquels elle est opératrice ne subiront pas aujourd’hui, ni dans un futur immédiat, de substantielles interférences ou du moins des interférences qui ne peuvent être aisément contournées. Néanmoins de telles constellations de satellites ne seront pas sans conséquences à moyen et à long terme pour les observations astronomiques et astrophysiques, comme pour les télescopes optiques géants à large champ ou pour certains autres radiotélescopes. L’ESO poursuit son enquête sur l’impact indirect de ces constellations de satellites, et lors d’un de ses récents conseils, la Belgique et les autres États membres ont demandé que l’ESO, en tant qu’observateur au sein de l’instance de l’ONU, se positionne pour défendre globalement la communauté astronomique et astrophysique de nos pays. La Belgique a déjà notifié qu’elle s’inscrirait tout à fait dans cette démarche pour la soutenir. Je veux encore vous signaler, monsieur le député, que Belspo est en contact étroit et permanent avec les établissements scientifiques fédéraux, principalement l’Observatoire royal de Belgique, ainsi qu’avec d’autres acteurs de la recherche astronomique belge, notamment à l’université de Liège, afin d’identifier l’impact du phénomène sur les activités scientifiques, et pour que Belspo représente la Belgique au sein de l’ESO. Cette dernière est l’instance internationale qui est la plus à même de nous représenter au niveau international, pour monitorer ces impacts potentiels. À court terme, il n’y a pas d’impact mais à moyen terme, il peut y en avoir, d’autant plus si les constellations satellitaires viennent à se multiplier. Ces dernières pourraient avoir une incidence qu’il faut pouvoir monitorer.
Ma réplique:
Je vous remercie pour votre réponse assez complète, tant pour le court terme que pour le moyen terme. Comme vous le soulignez, si l’impact n’est pas démontré dans l’immédiat, l’amplification et la multiplication du phénomène des microsatellites nous donnent à penser que nous devons être particulièrement vigilants. Je me réjouis à la fois de votre positionnement par rapport aux outils activables au niveau international mais également pour les compléments que vous avez apportés par rapport à l’Observatoire de Belgique et l’université de Liège. Je pense effectivement que nous devons pouvoir associer nos partenaires de la recherche, mais également des universités pour analyser au mieux et définir ensemble une stratégie pour le moyen et le long terme.
Je vous remercie.