Intervention

Madame la présidente, Monsieur le ministre, Madame la secrétaire d’État, chers collègues,

Accéder facilement au cash et donc à notre propre argent est un droit de chaque citoyen qui ne devrait pas être confisqué par les banques. Je voudrais revenir sur l’objectif du consortium Batopin tel que décrit sur son site. Des distributeurs de billets facilement accessibles, répartis de façon équilibrée sur l’ensemble du territoire, aux endroits les citoyens en ont réellement besoin. Voilà le monde des poupées que nous présentent, depuis deux ans, les grandes banques belges. Mais plus personne n’est dupe aujourd’hui. Aux plaintes et signaux d’alerte des citoyens, des communes, des Parlements qui s’accumulent depuis deux ans, vient s’ajouter une nouvelle étude de la Banque centrale européenne dont les constats sont sans appel: la Belgique est le pays qui a connu la plus forte érosion du nombre de distributeurs dans la zone euro.

Aujourd’hui, on compte 40 % de machines en moins par habitant par rapport aux autres pays. On perd des distributeurs dans les villes, dans les campagnes. Au fond, pourquoi la situation estelle pire chez nous qu’ailleurs?

Après deux ans d’interpellations et de constats, du conseil communal d’Écaussinnes jusqu’à l’Europe, le seul engagement que vous avez pris, monsieur le ministre, est de négocier une charte non contraignante avec le secteur. En somme, vous attendez des banques de bonnes résolutions de fin d’année. On sait ce que cela vaut!

Monsieur le ministre, nous ne pouvons pas nous contenter d’un chèque en blanc. Nous voulons des garanties et des sanctions pour les acteurs qui continueront à réduire le service aux citoyens et particulièrement aux plus vulnérables. L’heure est venue de passer à l’action. On a essayé de montrer la carotte. Il est temps de montrer le bâton.

Monsieur le ministre, quelle est votre réaction et quels sont vos engagements après cette nouvelle étude de la BCE?

Réponses du Ministre Dermagne

Madame la présidente, Mme la secrétaire d’État et moimême allons essayer d’être suffisamment captivants pour l’auditoire afin d’éviter ces conciliabules.

Mesdames et messieurs les parlementaires, merci pour vos différentes questions, sur un sujet qui n’est effectivement pas nouveau et que nous avons encore eu l’occasion d’aborder la semaine dernière en commission de l’Économie.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à cette tribune, mon objectif est d’aboutir le plus rapidement possible à la conclusion d’un protocole garantissant à tous les citoyens de ce pays, qu’ils vivent en ville ou à la campagne, dans une petite ou une grosse agglomération, un accès satisfaisant aux distributeurs de billets et à leur propre argent, de même qu’à une série de services. Nous avons négocié, monsieur Parent, une charte avec le secteur bancaire pour garantir un service bancaire universel de base. Nous y sommes parvenus après de longues et difficiles négociations. Je caresse toujours l’espoir, sans être naïf, que nous puissions aussi aboutir à un accord sur la disponibilité et l’accès aux distributeurs bancaires le plus rapidement possible.

Si toutefois les négociations n’aboutissent pas pour le printemps 2023 à une solution acceptable pour l’ensemble des Belges, je rédigerai une loi pour contraindre les organismes bancaires. Vu la complexité d’une initiative législative en la matière, eu égard à toute une série de questions et de points techniques, je vais déjà demander au SPF Économie de préparer un marché public de service juridique pour permettre la préparation de ce travail législatif. En cas d’échec des négociations avec le secteur, ce marché public sera directement activé. Quelle que soit l’issue des négociations avec Febelfin, ces dernières seront utiles pour résoudre la problématique qui est mise en avant. Même en cas d’une solution législative, que je n’exclus pas, une consultation avec le secteur bancaire sera nécessaire pour aboutir à un projet de loi atteignant l’objectif que toutes et tous ici nous partageons.

Je rappelle également qu’une enquête de l’Autorité belge de la concurrence est en cours à propos de Batopin. J’ai déjà pu dire que cette coopération entre les quatre plus grandes banques du pays pose question d’un point de vue du respect du droit de la concurrence. J’avais d’ailleurs déjà demandé à l’auditeur général de l’Autorité belge de la concurrence si une requête ou une injonction à ouvrir une enquête de la part du gouvernement et de votre serviteur était opportune. Il s’est avéré que, lorsque j’ai soumis cette question à l’auditeur général, cette institution avait déjà initié son enquête. Il n’était dès lors pas nécessaire qu’une initiative venant du gouvernement soit prise.

J’espère que l’Autorité belge de la concurrence pourra forcer Batopin à revoir sa copie. Dans le cas contraire, cela devra se faire par le protocole d’accord ou, comme je l’ai déjà évoqué, par la voie d’une initiative législative.

Je partage vos constats. Je partage vos objectifs. Il faut effectivement que l’accès au cash, l’accès à son propre argent, puisse être garanti pour les citoyens et les citoyennes – et singulièrement pour celles et ceux qui sont confrontés à la fracture numérique. Mais c’est aussi important pour les entreprises et les entrepreneurs de ce pays, et particulièrement pour les indépendants.

Nous veillerons, avec la secrétaire d’État, avec le ministre des Finances, à faire en sorte que ces objectifs soient atteints le plus rapidement possible. Je vous remercie.

Réponse de la Secrétaire d’État Bertrand

(…) C’est évidemment très important, parce qu’on retrouve dans cette catégorie les seniors ainsi que les gens atteints par la fracture numérique. Il est essentiel que non seulement les particuliers, mais également les indépendants, comme mon collègue l’a dit, puissent accéder rapidement et simplement au cash.

(…) Aujourd’hui, où en sommesnous? Les différents cabinets sont en concertation avec le secteur bancaire. Comme mon collègue l’a dit, c’est une matière technique, peutêtre plus technique qu’il peut n’y paraître de prime abord. Nous sommes aussi en concertation rapprochée avec la Banque nationale.

Comme cela a été dit également, la préférence va pour une charte avec le secteur bancaire pour assurer la disponibilité des automates. C’est aussi le cas dans la plupart des pays européens qui sont confrontés à cette problématique. La plupart des pays européens, si pas tous, ont adopté une charte pour régler le problème. Mais, effectivement, s’il apparaît qu’il n’y a pas de disponibilité à rédiger une charte qui soit satisfaisante, nous adopterons une initiative législative afin de faire en sorte que les automates bancaires, les ATM, soient disponibles et accessibles pour tous. (…)

Réplique

Monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, les chartes sont comme les bonnes résolutions: ce sont des chèques tirés d’une banque où on n’a pas de compte courant. Les résultats seront forcément hasardeux et dépendront de la bonne volonté des banques. Vous dites: « Peu importe la loi, la concertation est nécessaire. » C’est vrai, mais je retourne la phrase: peu importe la concertation, une loi est nécessaire, parce qu’il faut préparer les sanctions, parce qu’on n’a plus confiance en Batopin, parce qu’ils ont dilapidé le capital confiance en réduisant le service aux citoyens, partout sur le territoire, et que c’est inacceptable!

Alors oui, il est temps d’agir aujourd’hui, et plus que jamais! Merci.